La mort empêche de faire beaucoup de choses. Mais certainement pas de prendre le train, du moins, pour les britanniques de l’époque victorienne, qui ont même construit une station de chemin de fer dédiée à la mort, la Nécropolis.

Un système au bord du gouffre
Dans la première moitié du 19ème siècle, la population de Londres à plus que doublé, passant d’un peu moins d’un million de personnes en 1801 à presque deux millions et demi en 1851.
Jusqu’ici, les défunts de la ville étaient inhumés dans de petits cimetières jouxtant les églises. Mais la croissance de la population change la donne : dans un espace si restreint, les traditionnelles exhumations et mises en ossuaires ne suffisent plus.
Malgré la croissance rapide de la population, la surface de terrain réservé aux cimetières est restée inchangée, à approximativement 300 acres, soit 1,2 km carrés répartis sur 200 sites.
Des tombes récentes sont exhumées, à peine quelque mois après l’inhumation de leurs occupants, afin de libérer de la place, les corps qui s’y trouvent étant ré inhumés dans des fosses communes creusées à la hâte. Celles ci ayant été creusées à proximité des points d’eaux, des contaminations dues aux cadavres en décomposition ne tardent pas à se révéler : le choléra, la variole, la rougeole et la typhoïde. Une Commission Royale créée en 1842 pour examiner le problème a conclu que les cimetières de Londres étaient devenus si surpeuplés qu’il était impossible de creuser une nouvelle tombe sans en reprendre une existante. Le drame survient en 1849, lorsqu’une épidémie particulièrement virulente de choléra sature le système d’enterrements.
Suite à cette épidémie, et fort des conclusions de la commission presque dix ans auparavant, une loi est votée pour interdire les inhumations au centre de Londres.

Délocalisation funéraire
Le problème est posé en ces termes : il faut un lieu d’inhumation suffisamment proche de Londres pour permettre d’y inhumer les défunts et suffisamment loin pour que d’éventuelles contaminations n’atteignent pas la population. Une technologie de pointe, toute nouvelle, va simplifier le choix, en augmentant la distance possible : le chemin de fer.
Un emplacement est choisi : Brookwood, dans le Surrey. L’endroit dispose de suffisamment d’espace, et surtout, une ligne ferroviaire y conduit : il suffira de la rallonger et d’y construire une station. Celle-ci est bâtie à côté de la station de Waterloo.
L’ensemble est inauguré en 1854.

Terminus, tout le monde descend !
La station Necropolis est un ensemble extraordinaire : un terminus de voie ferrée entièrement dédié à la mort. On y trouve des salons d’attente privatisés, pour que les familles puissent confortablement patienter jusqu’à l’heure des obsèques, des salles de cérémonies, et même des ascenseurs pneumatiques pour que les cercueils puissent aisément être convoyés jusque dans les étages.
En 1899, toutefois, un projet d’expansion de la station de Waterloo se trouva bloqué par la Necropolis. Une discussion s’engagea alors, et il fut décidé que l’ancienne station funéraire serait rasée, et une nouvelle construite un peu plus loin, sur la Route du Pont de Westminster. Necropolis I fut détruite en 1902, après que sa succession ait été ouverte en 1901.
Elle continua de fonctionner jusqu’en 1941, date à laquelle elle fut touchée par un bombardement. Les bâtiments rendus inutilisables, la ligne continua de fonctionner, les défunts transitant par la station de Waterloo, parmi les vivants.
A la fin de la guerre, à l’heure de reconstruire, il fut décrété que la ligne de chemin de fer Necropolis et la station terminus n’étaient plus rentables financièrement, dépassés par l’automobile et les pompes funèbres privées.
La station Necropolis II fut vendue à un entrepreneur qui la transforma en immeubles de bureaux. Le bâtiment existe toujours aujourd’hui, ses éléments architecturaux d’origine ayant été gardés intacts.
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