La nécrophilie : une perversion qui touche à de multiples tabous. Mais cette abomination est elle une réalité tangible, ou l’apanage de certains tueurs en série ?
En septembre 2012, une étrange affaire a secoué la ville de Göteborg, en Suède. Dans l’appartement d’Helena, une femme de 37 ans, ont été découverts au moins six crânes, une colonne vertébrale et «un grand nombre d’autres ossements». Sans emploi, elle avait passé beaucoup de temps à tenter de reconstituer un squelette. Elle est accusée d’avoir utilisé ces os «pour diverses activités sexuelles». Chez elle, les enquêteurs ont également trouvé deux CD intitulés Ma nécrophilie et Ma première expérience, ainsi que des sacs mortuaires.
A la surprise et la consternation, générale, Helena est relaxée en appel. «Dans le dossier, il n’a pas été établi que la femme a ouvert une tombe, un cercueil ou tout autre lieu de repos d’un mort pour se procurer les ossements qu’elle a manipulés», indique dans un communiqué la cour d’appel de Göteborg. La prévenue a dit les avoir achetés sur Internet à des personnes habitant à l’étranger.
Ceci illustre le tabou que constitue la nécrophilie, paraphilie ultime, dans nos sociétés, qui ont tellement peur d’en parler qu’elles ne veulent même pas la sanctionner dans la loi.
La nécrophilie pour les nuls
La nécrophilie (également nommée thanatophilie ou nécrolagnie) est une attirance sexuelle pour les cadavres. Elle est classifiée en tant que paraphilie (pratique sexuelle anormale) dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Le terme est dérivé du mot grec : νεκρός (nekros ; « mort ») et φιλία (philie ; « amour »). Le terme semblerait être illustré pour la première fois de l’œuvre de Krafft-Ebing (1886) intitulée Psychopathia Sexualis.
Le terme nécrophilie est parfois employé par extension aux perversions sexuelles sur personnes inconscientes, endormies, droguées ou feignant d’être mortes. Les cas de nécrophilie restent flous à travers l’histoire, bien que certains écrits aient affirmé l’existence de cette pratique depuis l’époque de l’Égypte antique, mais de la part de penseurs grecs dans le cadre d’une critique de l’Egypte, un peu comme des supporters de l’OM devant commenter un match du PSG.

Les tueurs en série…
Certains tueurs en série avaient pour motivation un « mix » de nécrophilie et de cannibalisme. Plutôt que la cigarette après l’amour, ceux-ci avaient plutôt une petite fringale.
Ed Gein, par exemple, a commencé sa carrière macabre par la profanation de sépultures, à des fins sexuelles… et de haute couture. On trouvera chez lui des abats-jours, vêtements, etc… fabriqués en peau humaine. Son cas a inspiré plusieurs films, parmi les plus célèbres desquels comptent « Massacre à la tronçonneuse » (le personnage de Leatherface) et surtout « Le silence des agneaux ». Il finira par tomber pour deux meurtres.
Plus proche de nous, Joseph Vacher, considéré comme le premier tueur en série français, et Gilles de Rai, ont pratiqué le viol sur leurs victimes, ante et post mortem. Mais le cas le plus connu, en France, est celui du sergent Bertrand, surnommé le Vampire de Montparnasse. Il mérite un article à lui tout seul (ce qui sera fait très prochainement).
…et des victimes consentantes
Il existe parfois des cas de nécrophilie consentie. On notera par exemple l’histoire de Armin Meiwes et de Bernd Jürgen Brandes. Meiwes avait passé une annonce pour trouver une victime consentante, et Brandes y a répondu. Après avoir tué Brandes, Meiwes a eu des rapports avec son cadavre avant de le découper et le manger. L’histoire a inspiré le groupe allemand Rammstein pour la chanson Mein Teil.

Plus surprenant, les Etats Unis, grâce, ou à cause du Premier Amendement, ont une très officielle Association des Nécrophiles Américains. Ceux-ci réclament le droit d’avoir des rapports sexuels avec des défunts, et le droit de laisser un testament stipulant qu’ils sont consentants pour des rapports sexuels après leur mort. Dans le droit américain, ils ont parfaitement le droit de s’exprimer, tant qu’ils ne passent pas aux actes (rappelons qu’aux Etats-Unis, il existe, entre autres, une association pédophile, la Boy love Association, ou encore un parti National Socialiste, autrement dit Nazi, tout à fait légal).
Si ça vous tente…
Pourtant, en France, Helena, la suédoise, aurait peut-être été acquittée pour les mêmes raisons que dans son pays. Même si, depuis 1994, il existe une notion d’atteinte à l’intégrité du cadavre «par quelque moyen que ce soit», «aucune loi française ne s’attache à proprement parler à prohiber [la nécrophilie], et aucun parent n’inculque à son enfant, dès son plus jeune âge, que la sexualité avec les morts serait mal, contraire aux mœurs, dangereuse pour soi, ou pour la société», écrit ainsi la chercheuse Amandine Malivin dans sa thèse Volupté macabres: la nécrophilie en France au XIXe siècle, présentée en juin 2012.
Il faudra sans doute attendre qu’une autre affaire d’envergure défraie la chronique pour qu’une loi passe dans notre pays. Et ce n’est même pas garanti.
Guillaume Bailly
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