Dans l’histoire du funéraire, les charitables sont un phénomène unique, dans ceci de particulier qu’il a survécu du bas moyen-âge jusqu’à nos jours. Retour sur cet ordre religieux et laïc à la fois de croque-morts.
Une histoire des charitables
Il faudra que le funéraire reconnaisse un jour l’apport de la peste dans sa culture. Pour preuve, les Charitables est un mouvement qui, encore, est issu d’une épidémie de mort noire.
En 1188, une épidémie de peste dévaste l’Artois et les Flandres. Par peur de la contagion, personne ne souhaite ni soigner les malades, ni enterrer les morts. Les habitants s’amassent dans les églises et prient le protecteur local, saint Éloi, dernier recours imaginé pour arrêter la progression de la maladie. C’est alors que deux maréchaux-ferrant, Gautier et Germon, respectivement habitant de Béthune et de Beuvry, voient apparaître saint Éloi dans leur songe. Il leur demande de se rencontrer à la source de Quinty, située à la limite des deux communes, le jour de la saint Matthieu (le 21 septembre) afin de fonder une « karité » (charité ou confrérie). Le Saint promet que la Peste ne pourra les atteindre ni eux, ni leur famille.
La confrérie des charitables de Saint-Eloi est alors fondée grâce au soutien de Robert V de Béthune et du moine Rogon. Elle se charge de donner du pain aux pauvres, des soins aux malades, de consoler les mourants, d’ensevelir les morts et de leur donner une sépulture. Gautier et Germon sont bientôt épaulés par des habitants des deux villes et bien que la peste disparaisse grâce à leur action, les Karitaules décident de continuer leur mission.
Au XIIIe siècle, les charitables décident d’édifier, près de la source de Quinty, la chapelle Saint-Éloi des Champs. Ce monument verra accueillir, au fil des siècles, de nombreux pèlerins, venus non seulement de France mais également de toute l’Europe.
Durant la Révolution, la confrérie fut officiellement dissoute le 15 fructidor de l’an V (en 1797), mais continua son action dans la clandestinité jusqu’au 20 Floréal de l’an X (1802) où elle fut de nouveau autorisée.
Le 21 septembre 1853, l’évêque d’Arras, Mgr Pierre-Louis Parisis, demande à la confrérie de se soumettre à la tutelle de l’Église ou de se dissoudre. Elle refuse et devient, dès lors, laïque. En 1901, les Charitables prennent la forme associative, qui existe encore ce jour dans le Nord-Pas de Calais, une entité par ville ou canton.
Les funérailles Charitables
La Confrérie représente aujourd’hui « l’égalité devant la mort » que l’on soit riche, pauvre, croyant ou mécréant. Elle intervient à la demande, est se fait payer d’un don, dont le montant est libre. Chacun est censé les payer selon ses moyens.
La hiérarchie a conservé des appellations qui fleurent bon le Moyen-âge. Le Vénérable doyen est ainsi entouré du Prévôt, élu pour deux ans, assisté de deux Mayeurs et du Chéri, qui est le dernier entré dans la Confrérie, d’un ordonnateur des cérémonies et du massier. Le massier était celui qui autrefois, tapait le sol avec un lourd bâton pour prévenir la population du passage d’un cortège.
Le service des funérailles a son rite : Les charitables prennent le cercueil à la chapelle ardente, située au fond de l’église, le conduisent devant l’autel avec le prêtre et se retirent ensuite. A la fin de l’office, les Confrères viennent le chercher pour l’emmener au cimetière à pied suivi par le cortège funèbre. Sur le chemin, tous les 50 pas, on change de porteurs, ils se saluent alors en prononçant les paroles traditionnelles « Requiescat in pace » qui sont remplacés par « sit nomen Domini benedictum » pour l’enterrement d’un enfant.
Au cimetière, quand le cercueil a été descendu dans la tombe, le massier doit dire : « Le corps est couvert, monsieur le Prévôt ». Le Prévôt ou le Mayeur qui le représente répond alors « Requiescat in pace ».
Ils se retirent alors pour se regrouper autour du rond à l’entrée du cimetière. C’est là que le Prévôt ou le Mayeur commence par distribuer les amendes (appelées bouquets) pour les fautes commises lors du service ou les retards, puis convoque les Confrères pour les enterrements à venir. Les Charitables doivent eux-mêmes signaler leurs erreurs ou s’ils ne s’en sont pas aperçu, deux Confrères doivent les signaler.
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